Eau, les élèves mènent l’enquête

Lundi 4 janvier 2021

Ce titre ouvre les pages « Cultivons les sciences » du numéro d’avril 2020 de Sciences Ouest qui publie les productions des collégiens de 5e D du collège des Chalais et des lycéens de 2de 3 du lycée Zola (Rennes) : des articles autour de la pollution de l’eau.

Autre média, autre production avec une vidéo. Des collégiens s’interrogent : quelle est l’origine de notre eau potable et comment les élevages peuvent réduire la pression sur les cours d’eau ? Cette vidéo, à retrouver sur la chaîne YouTube de l’Espace des sciences, est le résultat d’une enquête journalistique et scientifique menée par les élèves de 3è A du collège des Chalais à Rennes (35) pour comprendre les liens entre élevage et qualité de l’eau.

D’octobre 2019 à février 2020, pour mener à bien ce projet scolaire croisant culture scientifique et éducation aux médias, collégiens et lycéens, les élèves ont été accompagnés par leurs enseignants, une journaliste scientifique et un animateur scientifique, et soutenus par différents partenaires :Eau du bassin rennais, My Human kit, le pôle Bretagne culture scientifique, l’Espace des sciences Rennes-Bretagne, le Club de la Presse de Bretagne, le collège des Chalais, le lycée Zola, le département d’Ille-et-Vilaine, la Région Bretagne, la DRAC.

Les circonstances du confinement n’ont pas permis d’organiser une restitution avec les familles initialement prévue aux Champs Libres le 30 avril 2020. Il n’en reste pas moins l’aboutissement d’un projet aussi ambitieux qu’impliquant pour les jeunes comme pour les adultes.

Découvrir la vidéo

Les articles sont en téléchargement en bas de l’article

Retour sur l’expérience vécue par les enseignants partie-prenante du projet « Eau » du collège des Chalais d’une part et du lycée Zola, d’autre part.

 

Pédagogie pluridisciplinaire au collège des Chalais à Rennes

Contexte

Le projet « eau » nous a été proposé en juin 2019, par Emmanuel Bescon, professeur de mathématiques qui était en contact avec la journaliste indépendante Julie Lallouet-Geffroy. Sa proposition a été de faire travailler trois classes de niveaux différents sur ce projet : deux classes de collège et une classe de 2de du lycée Emile Zola. Pour le collège, nous avons opté pour une classe de cinquième et une de troisième, en raison de la pertinence du projet en regard des programmes. Très rapidement, nous avons monté une équipe de collègues intéressés par ce projet, dont les différentes disciplines pouvaient facilement s’emparer de cette thématique. L’équipe comprenait donc : un enseignant de mathématiques (plutôt en charge de la coordination du projet) et professeur principal de la classe de troisième, une enseignante de physique-chimie, de notre professeure-documentaliste (pour l’EMI ), d’une professeure de SVT, d’une enseignante d’histoire-géographie de la classe de cinquième et d’un enseignant de français.

Montage du projet

Les grandes lignes du projet préalablement dessinées par Julie, nous les avons ensuite affinées lors de rencontres de juin à octobre 2019. Lors de ces réunions, Julie était force de propositions que nous discutions ensuite. Chacun des niveaux travaillerait donc dans un souci de complémentarité par rapport à la problématique retenue : « les rapports entre l’eau du bassin rennais et l’agriculture ». Ainsi la classe de troisième s’est vu donner pour objectif de réaliser une vidéo pédagogique dans le but de répondre à la problématique précédemment formulée, vidéo qui serait mise en ligne sur la chaîne YouTube de l’Espace des Sciences Rennes-Bretagne.

Productions d’une vidéo mais aussi d’un article, d’une maquette : donner du sens

Les 3e en tournage au studio de l’espace des sciences

Cette vidéo de 7’est l’aboutissement : d’une recherche documentaire, d’une visite sur le terrain et pour finir d’un travail d’écriture, de scénarisation et de mise en scène (cette dernière étape étant animée par Fanch Cavellec). Dans ce cadre, des sorties ont été réalisées, notamment la visite d’une exploitation agricole (La ferme de La Touche Rolland à Talensac) par les élèves de la classe de 3e du collège Les Chalais. Ce fut l’occasion pour les élèves peu familiers du monde agricole, de comprendre le lien entre l’agriculture et la qualité de l’eau qu’ils pouvaient boire et de découvrir quelques exemples de pratiques agricoles visant à préserver la qualité de l’eau. Pendant cette visite, des prélèvements d’eau ont été réalisés par les élèves de troisième et ensuite analysés en cours de physique-chimie par les élèves de cinquième.

Les 3e à la ferme de Marjolaine Appriou

En classe également, les connaissances nécessaires ont été traitées en cours. Ce projet a également permis aux élèves de troisième d’aller visiter le lycée Emile Zola et d’y rencontrer les élèves de la seconde qui y participaient également. Les échanges entre les troisièmes et les secondes ont principalement porté sur le thème "Ma vie de lycéen", ce qui a permis aux troisièmes de se projeter et de se préparer à cette nouvelle étape de leur scolarité. La finalisation (réalisation de la vidéo) a été principalement menée par le vidéaste Fanch Cavellec, accompagné par les enseignants du projet. A partir d’un scénario et de dialogues écrits par les élèves en cours de français et complétés par la journaliste, les élèves ont travaillé avec Fanch : le jeu d’acteur et la mise en scène sur 3 temps au collège dont une demi-journée de répétition générale. Les ateliers mis en place par Fanch visaient notamment à renforcer les capacités des élèves à travailler en groupe, à tenir compte des autres. Les acteurs en herbe étaient alors prêts pour la matinée de tournage dans le studio de l’Espace des Sciences, partenaire de l’opération qui a mis à disposition son équipement et un technicien spécialisé. Le montage a été entièrement réalisé par Fanch.

Concernant la classe de cinquième, ils ont pour partie travaillé en appui de la réalisation de cette vidéo. En réfléchissant et en concevant une maquette modélisant le cycle de l’eau et les pratiques vertueuses mises en place dans une exploitation agricole pour préserver la qualité de l’eau. Ce travail a été rendu possible grâce à l’intervention de Lucie Le Guen de l’association "My Human Kit " et a permis un travail commun entre les élèves de 5è et ceux de l’AMISEP, IME implanté à proximité du collège. Cette maquette a donc fait l’objet d’une séquence dans la vidéo des troisièmes. Leur objectif propre restait cependant la rédaction d’un article sur l’eau destiné à être publié dans les pages « Cultivons les sciences » du magazine de l’Espace des sciences en Bretagne "Sciences Ouest".

Ce travail a été mené en co-animation avec Mme Julie Lallouet-Geffroy, notre professeure-documentaliste, notre professeure de physique-chimie et le professeur de français. Les élèves ont pu découvrir lors d’une visite le fonctionnement de la station de potabilisation de Mézières-sur-Couesnon. Mme Lallouet-Geffroy a accompagné d’octobre à mars ce groupe pour le sensibiliser à la question de l’information et lui apporter du contenu relatif au thème, et enfin l’aider dans la rédaction de l’article.

Bilan

Nous avons apprécié mener un tel projet avec les élèves, un projet ambitieux tant par ses objectifs que par les moyens qui lui étaient dédiés. Du côté des adultes, l’interdisciplinarité a été un facteur dynamisant et motivant, nous avons également aimé travailler et rencontrer des professionnels partenaires extérieurs à l’Education nationale. Et d’ailleurs, forts de cette expérience, nous sommes déjà prêts à repartir sur un autre projet !

Il semble que ce point ait également été particulièrement apprécié par les élèves qui ont pu échanger avec des professionnels autres que professeurs ! Ce projet a donc permis une ouverture non négligeable. Ces rencontres ont permis autant de leur apporter le contenu dont ils avaient besoin, que de leur faire découvrir des univers professionnels dont ils sont a priori fort éloignés (nous pensons en particulier à la découverte de l’exploitation de la Touche Rolland). Les deux classes du collège ont fait preuve également de curiosité, d’intérêt et d’implication, conscients (il nous semble) de la valeur d’un tel projet. La finalité éditoriale des deux productions (vidéo et écrite) a constitué certes un objectif valorisant. Dans la perspective d’une reconduite d’un tel projet, il serait envisageable d’aller plus loin dans l’initiation à la démarche journalistique, que les élèves développent leur autonomie dans la recherche et la validation d’informations et dans le travail de rédaction, étape quelque peu « épineuse ».

 

Education aux médias au lycée Emile Zola à Rennes : le projet « Terres de Sources »

Contexte

Le projet débute par une visite au club de la Presse de Rennes, rue Martenot : en mars 2018, l’association propose, en lien avec le CLEMI, une rencontre entre journalistes et équipes pédagogiques. Une série de tables rondes permet vite de se rendre compte de la diversité des propositions : enquêteurs indépendants, journalistes presse, radio, télévision employés par Le Télégramme, Ouest-France, Libération ou pigistes pour Reporterre, Okapi, France Télévisions ou la presse professionnelle agricole…

Les propositions pédagogiques sont à la mesure de cette diversité de profils. Rapidement, nous sommes séduits par le principe d’une enquête au long cours, par laquelle les élèves expérimentent d’abord le processus d’investigation, ses résultats et ses échecs, puis le processus d’écriture journalistique, et de publication. La journaliste indépendante Julie Lallouet-Geffroy, spécialisée sur la thématique de l’environnement et de l’agriculture, travaille avec l’Espace des sciences Rennes-Bretagne et la référente du Pôle Bretagne culture scientifique, et a déjà l’expérience d’une intervention de 60 heures sur trois mois en milieu scolaire.

Nous nous retrouvons sur le principe pédagogique de l’atelier journalistique, plutôt que sur le cours ex-cathedra en position d’autorité de journaliste. Le projet 2019-2020 sera donc à mener sur le thème de l’eau (pesticides, Eau du bassin rennais ), si possible en équipe pédagogique (Lettres, Géo, Doc, SVT…)

Montage du projet

Le lycée n’est pas éligible à l’aide de la DRAC ; pour permettre l’intervention de la journaliste en cours, nous sollicitons la région Bretagne via le dispositif Karta.

En septembre 2019, nous n’avons pas obtenu la constitution d’une équipe pédagogique particulière : le travail se fera donc en binôme, qui associe la professeure documentaliste, et le professeur d’Histoire-Géographie. Les nouveaux programmes de la classe de seconde représentent à la fois une contrainte – en termes de préparation et de temps de travail – et une chance, puisque tant l’EMC que la géographie prévoient des activités d’enquête, et une pédagogie de projet. Nous planifions le travail annuel de la classe de seconde : les 9 interventions de la journaliste, les sorties à l’usine de potabilisation de Rophémel et sur une exploitation agricole située à Talensac, qui s’est engagée dans le programme Terres de Sources (programme écologique qui soutient et encourage les bonnes pratiques environnementales des agriculteurs locaux), porté par Eau du bassin rennais.

Les 2de à la ferme de Marjolaine Appriou

Nous rencontrons les équipes du collège des Chalais, impliquées également dans le projet, et décidons d’accueillir sur une demi-journée une classe de 3e des Chalais au lycée Zola, tant pour leur faire découvrir les anciennes collections scientifiques du lycée, que pour recueillir les témoignages des élèves de seconde sur leur vécu de lycéens et leur orientation. Le soutien financier et technique d’Eau du bassin rennais nous pose un temps question : s’il est indispensable à l’enquête, ne risque-t-il pas d’orienter ses résultats ? Une contractualisation bienvenue permet de garantir l’indépendance éditoriale complète des apprentis-journalistes.

Déroulement

Le travail débute en novembre. La problématique proposée est ardue, particulièrement pour une classe de seconde : « quel rapport entre mon steak et l’eau du robinet ? ». Les enseignants doivent donc préparer en amont avec la classe, et exploiter en aval les interventions de la journaliste. Sur l’année, c’est donc plutôt un total de trente heures de cours qui a été consacré au projet, en classe entière ou, grâce au binôme, en demi-groupes. Il faut donner du sens et préparer la sortie, sur le fond (le cycle des nitrates, la ressource en eau, les risques de pollution…) et en développant les compétences des élèves (la recherche documentaire, l’utilisation des diverses sources d’information, l’exercice de la synthèse ; la préparation d’un exposé, la pratique de l’entretien). Régulièrement, on se félicite du choix fait au départ : mettre les élèves dans une position de grande responsabilité, les amener à constater systématiquement les avancées et les limites de leurs travaux, pour les poursuivre et les améliorer. Les résultats de la sortie sont exploités sous formes d’exposés, et complétés par une série d’entretiens réalisés en classe.

Vers la publication dans Sciences Ouest

La rédaction de l’article pour Sciences-Ouest peut débuter en janvier. Le plan est discuté ; les 35 rédacteurs se répartissent différents paragraphes ; une série d’aller-retours permet, peu à peu, d’aboutir à une synthèse commune. Mais elle est beaucoup trop longue, et la contrainte des 3500 signes donne lieu à un travail épique en classe entière. Recherche de titres et intertitres, choix du « chapô », dernière recherche de sources et références, choix cornéliens, puis : l’article est soumis à la journaliste, et transmis à la rédaction de Sciences Ouest. C’est plus tard, confinés, que les élèves reçoivent fièrement la version publiée de leur travail.

Bilan

Pour dresser un bilan pédagogique de l’action, il faut considérer les points positifs, comme ses limites. Les limites du projet doivent évoquer la fatigue des élèves sur le long cours, le désarroi de certains face à un format pédagogique différent, et accessoirement le temps important consacré au projet, qui bouleverse en partie la progression dans le programme annuel. Le bilan est très positif si on considère l’ouverture citoyenne permise par les nombreux entretiens et les interventions de la journaliste ; également, parce que le projet a permis d’incarner les contenus théoriques de risque, de responsabilité du consommateur, de cycle de l’eau, entre autres. Enfin et surtout, l’apprentissage de compétences et de contenus s’est fait « naturellement », orienté par la carotte du résultat final : et la responsabilisation des élèves s’avère un pari gagnant.

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